Optimiser vos investissements passe inévitablement par une compréhension approfondie de la fiscalité. L’article 154 bis du Code Général des Impôts (CGI) est un dispositif fiscal souvent méconnu, mais qui peut influencer significativement le rendement net de vos placements. Que vous soyez un investisseur débutant ou expérimenté, il est essentiel de comprendre comment ce texte de loi peut affecter votre imposition et vos choix d’investissement.

Nous examinerons en détail le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), l’option pour l’imposition au barème progressif, les situations où cette option est la plus intéressante, l’influence sur divers types de placements (actions, obligations, SCPI, assurance vie, PEA), et enfin, comment tirer le meilleur parti de cet article pour alléger votre facture fiscale.

Comprendre le fonctionnement de l’article 154 bis

Pour appréhender pleinement l’influence de l’article 154 bis, il est indispensable de s’intéresser au contexte fiscal dans lequel il s’insère. Nous devons commencer par examiner le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU), couramment appelé « Flat Tax », avant d’analyser les spécificités de l’option offerte par l’article 154 bis et les revenus qu’elle concerne. [CGI, art. 154 bis]

Le prélèvement forfaitaire unique (PFU) : le contexte général

Le Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU) est un mode d’imposition des revenus de capitaux mobiliers instauré en 2018 [Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018]. Il consiste en un taux fixe de 30%, comprenant 12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux. Ce système a été mis en place dans une optique de simplification et de prévisibilité de la fiscalité des revenus de placement.

Le PFU présente plusieurs avantages. Premièrement, sa simplicité est un atout majeur. Il est facile à comprendre et à appliquer, ce qui réduit la complexité de la déclaration de revenus. Deuxièmement, il offre une certaine prévisibilité, car le taux d’imposition est fixe, ce qui permet aux investisseurs de mieux anticiper leur imposition. Néanmoins, le PFU n’est pas toujours la solution la plus avantageuse pour tous les contribuables. Pour ceux qui se situent dans les tranches d’imposition les plus basses, l’option pour le barème progressif peut s’avérer plus attrayante.

L’option pour l’imposition au barème progressif (article 154 bis)

L’article 154 bis offre aux contribuables la possibilité de choisir l’imposition de leurs revenus de capitaux mobiliers au barème progressif de l’impôt sur le revenu, plutôt que d’être soumis au PFU [CGI, art. 154 bis]. Cette option peut être activée en cochant la case appropriée lors de la déclaration de revenus (formulaire 2042). Il n’existe pas de conditions d’éligibilité spécifiques, mais l’incidence de cette option varie considérablement en fonction de la Tranche Marginale d’Imposition (TMI) du contribuable.

Le mécanisme d’imposition est simple : les revenus de capitaux mobiliers sont intégrés aux revenus globaux du contribuable et sont donc soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Il est crucial de retenir que les prélèvements sociaux (17,2%) restent dus, quel que soit le choix effectué. Par conséquent, même en optant pour le barème progressif, les prélèvements sociaux s’appliqueront toujours aux revenus de capitaux mobiliers [Bulletin Officiel des Finances Publiques – BOFIP].

Focus sur les revenus concernés

Le choix prévu par l’article 154 bis s’applique à différents types de revenus de capitaux mobiliers. Il est donc crucial d’identifier précisément les revenus concernés pour déterminer si l’option est judicieuse.

  • Dividendes : Il s’agit des revenus provenant des actions ou parts sociales que vous détenez dans des entreprises.
  • Intérêts : Ce sont les revenus générés par vos placements à revenu fixe, tels que les comptes sur livret, les obligations, ou les dépôts à terme.
  • Plus-values mobilières : Bien que généralement imposées séparément, l’option pour le barème progressif peut influencer la base imposable en cas de déficits reportables, ce qui peut avoir une répercussion sur l’imposition des plus-values.

Les situations où l’article 154 bis est le plus avantageux

Le choix pour l’imposition au barème progressif prévue par l’article 154 bis n’est pas une solution universellement bénéfique. Elle se révèle particulièrement pertinente dans certaines situations spécifiques, notamment pour les contribuables se situant dans les tranches d’imposition les plus basses et pour ceux ayant des déficits reportables conséquents.

Scénario 1 : les contribuables dans les tranches d’imposition les plus basses (0% ou 11%)

Pour les contribuables dont la Tranche Marginale d’Imposition (TMI) est de 0% ou de 11%, le PFU à 12,8% est généralement supérieur à leur tranche d’imposition. Dans ce cas, choisir le barème progressif permet d’amoindrir leur imposition sur les revenus de capitaux mobiliers.

Prenons un exemple concret. Imaginons qu’un contribuable dont la TMI est de 0% perçoive 1 000€ de dividendes. S’il est soumis au PFU, il devra verser 128€ d’impôt sur le revenu (1000€ x 12,8%). S’il opte pour le barème progressif, il ne paiera aucun impôt sur le revenu, mais devra toujours s’acquitter des prélèvements sociaux de 17,2%, soit 172€. Dans ce cas précis, le PFU est moins favorable, même en tenant compte des prélèvements sociaux.

Scénario 2 : les contribuables ayant des déficits reportables importants

L’option pour le barème progressif peut également s’avérer judicieuse pour les contribuables ayant des déficits reportables significatifs. Ces déficits, provenant d’années antérieures, peuvent être déduits des revenus de capitaux mobiliers, ce qui réduit considérablement l’impôt dû [CGI, art. 156].

Par exemple, si un contribuable a 5 000€ de déficits reportables et perçoit 2 000€ de dividendes, il peut déduire ces 2 000€ de ses déficits reportables et ne sera imposé sur aucun revenu de capitaux mobiliers. Dans ce cas de figure, l’option pour le barème progressif est clairement avantageuse, car elle permet de neutraliser l’imposition sur les revenus de capitaux mobiliers.

Scénario 3 : les contribuables bénéficiant de certains abattements spécifiques

Certains revenus de capitaux mobiliers ouvrent droit à des abattements spécifiques. Par exemple, les dividendes perçus par les créateurs d’entreprises peuvent bénéficier d’un abattement de 50% pendant une certaine période [CGI, art. 158 bis]. En choisissant le barème progressif, le contribuable peut bénéficier de cet abattement avant l’imposition.

Imaginons un créateur d’entreprise qui perçoit 4 000€ de dividendes et bénéficie d’un abattement de 50%, sa base imposable sera réduite à 2 000€. S’il est imposé au PFU, l’impôt sera calculé sur la totalité des 4 000€ avant abattement, ce qui est moins favorable. L’option pour le barème permet de maximiser l’avantage de cet abattement.

TMI Avantages de l’option 154 bis Inconvénients de l’option 154 bis
0% ou 11% Impôt sur le revenu potentiellement nul ou inférieur au PFU Nécessité de calculer l’impact réel, prélèvements sociaux toujours dus
30% ou plus Avantage limité, sauf en cas de déficits reportables importants ou d’abattements Impôt sur le revenu potentiellement supérieur au PFU
Avec déficits reportables Possibilité de déduire les déficits des revenus mobiliers et de réduire l’impôt Nécessité de justifier les déficits reportables auprès de l’administration fiscale

L’impact sur les différents types d’investissements

L’article 154 bis n’affecte pas tous les types d’investissements de la même manière. Son incidence dépend du type de revenu généré par le placement et de la situation fiscale du contribuable. Il est donc essentiel d’analyser l’impact de cette option en fonction de vos différents placements.

Actions et dividendes

L’option pour le barème progressif peut être particulièrement intéressante pour les actions à dividendes, surtout si le contribuable se situe dans une tranche d’imposition basse. Cependant, pour les contribuables fortement imposés, le PFU peut s’avérer plus pertinent. La stratégie à adopter dépend donc de votre TMI et de votre aversion au risque.

  • Si vous êtes faiblement imposé (TMI à 0% ou 11%), privilégiez les actions de rendement (dividendes élevés) et optez pour le barème progressif.
  • Si vous êtes fortement imposé (TMI à 30% ou plus), les actions de croissance (peu de dividendes) peuvent être plus attrayantes, car la plus-value à la revente sera soumise au PFU.

Obligations et intérêts

L’influence sur les obligations et les comptes sur livret est similaire à celle sur les dividendes. Si vous êtes faiblement imposé, le choix pour le barème progressif peut être favorable. Toutefois, il est primordial de retenir que les intérêts sont généralement imposés dès le premier euro, ce qui peut rendre le PFU plus séduisant pour les contribuables fortement imposés.

Type d’investissement Incidence de l’option 154 bis Conseils
Actions et dividendes Peut être avantageux pour les TMI basses Analyser sa TMI, privilégier les actions de rendement si TMI basse
Obligations et intérêts Similaire aux dividendes, PFU peut être plus simple Analyser sa TMI, tenir compte du fait que les intérêts sont imposés dès le premier euro

SCPI et revenus fonciers

L’option 154 bis n’a pas d’influence directe sur les revenus fonciers, car ces derniers sont imposés selon des règles spécifiques [CGI, art. 14]. Cependant, elle peut avoir une incidence indirecte via la TMI. Si vous avez des revenus fonciers conséquents, l’option pour le barème progressif peut vous faire basculer dans une tranche d’imposition supérieure, ce qui peut impacter votre imposition globale.

Pour optimiser la fiscalité de vos revenus fonciers, il est essentiel de prendre en compte votre TMI et l’incidence potentielle de l’option 154 bis sur cette dernière. Vous pouvez également envisager d’investir dans des SCPI fiscales, qui offrent des réductions d’impôt [loi Pinel, loi Denormandie].

Assurance vie

L’option 154 bis influence les rachats d’assurance vie, notamment pour la part correspondant aux produits (intérêts et plus-values). Pour les contrats récents (souscrits après le 27 septembre 2017), les produits sont soumis au PFU. Néanmoins, si vous optez pour le barème progressif, ces produits seront imposés selon votre TMI [CGI, art. 125-0 A].

Il est primordial de différencier l’impact de l’option sur les contrats récents et les contrats plus anciens. Pour les contrats anciens (souscrits avant le 27 septembre 2017), un régime fiscal spécifique s’applique, et l’option 154 bis peut être plus favorable [CGI, art. 125 D].

PEA (plan d’épargne en actions)

L’option 154 bis n’a pas d’incidence directe sur le PEA, car les gains réalisés dans le cadre d’un PEA sont exonérés d’impôt sur le revenu après 5 ans [CGI, art. 150-0 A]. Cependant, elle peut influencer votre décision d’investir ou non dans un PEA. Si vous êtes fortement imposé, le PEA peut être une solution intéressante pour réduire votre imposition globale. En effet, bien que les prélèvements sociaux restent dus, ils ne sont prélevés qu’au moment du retrait, ce qui permet de bénéficier d’un effet de capitalisation plus important.

Comment optimiser sa situation fiscale grâce à l’article 154 bis ? (conseils pratiques)

L’optimisation de votre situation fiscale grâce à l’article 154 bis requiert une analyse approfondie de votre situation personnelle et de vos placements. Il est essentiel de déterminer votre TMI, de tenir compte de vos déficits reportables, et de simuler différents scénarios pour évaluer l’incidence de l’option sur vos impôts.

  • Analyser sa TMI (Tranche Marginale d’Imposition) : C’est la clé pour prendre la bonne décision. Votre TMI correspond au taux d’imposition applicable à la dernière tranche de vos revenus [barème progressif de l’impôt sur le revenu – Service Public].
  • Tenir compte de ses déficits reportables : Il ne faut surtout pas les négliger! Ils peuvent réduire considérablement votre imposition sur les revenus de capitaux mobiliers [CGI, art. 156].
  • Simuler différents scénarios : Avant de prendre votre décision, il est important de simuler l’incidence de l’option sur vos impôts, en utilisant un simulateur en ligne (disponible sur le site de l’administration fiscale) ou en consultant un conseiller fiscal.

Stratégies d’investissement

Votre stratégie d’investissement doit être adaptée à votre situation fiscale. Si vous êtes faiblement imposé, privilégiez les placements qui génèrent des revenus (dividendes, intérêts) et choisissez le barème progressif. Si vous êtes fortement imposé, les placements qui génèrent des plus-values peuvent être plus intéressants, car ces dernières sont soumises au PFU.

La diversification de vos placements est également primordiale pour optimiser votre fiscalité globale. Vous pouvez associer des placements qui génèrent des revenus avec des placements qui génèrent des plus-values, et bénéficier des avantages offerts par les différentes enveloppes fiscales (PEA, assurance vie…).

Les limites de l’article 154 bis et les alternatives

L’article 154 bis présente certaines limites. Premièrement, la complexité de l’option peut rendre difficile l’évaluation de son influence réelle sans effectuer de simulations. Deuxièmement, l’option n’est pas toujours la solution la plus avantageuse, notamment pour les contribuables fortement imposés.

  • Optimisation de la répartition des revenus : Décaler certains revenus sur des années moins imposées.
  • Utilisation des enveloppes fiscales : PEA, assurance vie… qui offrent des régimes fiscaux avantageux.

Il est essentiel de garder à l’esprit que le choix de l’article 154 bis n’est pas une formule magique. Elle doit être analysée en tenant compte de votre situation fiscale globale, et il est souvent recommandé de se faire accompagner par un conseiller fiscal pour prendre les décisions les plus judicieuses.

Un levier fiscal à maîtriser pour optimiser vos placements

L’article 154 bis du Code Général des Impôts est un levier fiscal qu’il convient de maîtriser pour optimiser vos placements. En appréhendant son fonctionnement, son impact sur les différents types de placements, et en analysant votre situation fiscale personnelle, vous pourrez prendre des décisions éclairées et alléger votre imposition.

N’hésitez pas à vous informer davantage sur l’option 154 bis et à solliciter un conseiller fiscal pour une analyse personnalisée de votre situation. Ainsi, vous pourrez donner un coup de pouce à vos investissements et améliorer votre rendement net. Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site de l’administration fiscale ou solliciter un expert-comptable.